mardi 10 juin 2008

Article de JM, juin 2008

Témoin de l’Intifada

Par Chris Frazer

Cette article provient des archives de Jeunesse Militante. En 1989, Chris Frazer était le dirigeant de la Ligue de la jeunesse communiste du Canada. Il avait alors récemment visité les territoires occupés de Palestine avec une délégation de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique, à l’invitation de l ‘Union générale des étudiant-e-s palestinien-ne-s à l’occasion de l’anniversaire de l’Intifada.

Balata - Le 10 décembre, l’armée israélienne a fermé le camp de réfugiés de Balata comme la plupart des autres camps situés en Cisjordanie et tout le long de la Bande de Gaza. Les Forces de défense israéliennes (FDI) n’avaient pas réussi durant les jours précédents à contrôler ou empêcher les protestation pales tiennes qui marquaient le premier anniversaire de leur soulèvement populaire - l’Intifada - contre l’armée israélienne d’occupation.

Balata et la ville arabe tout près Naplouse, sont bien connues comme étant des «baromètres» de l’Intifada. En traversant Naplouse, étouffée par les patrouilles des FDI, les signes de l’Intifada sont clairs et tout récents. Comme dans tous les villages et villes palestiniennes, des graffitis et des drapeaux palestiniens sont peints sur tous les édifices et les murs. Des femmes et de jeunes enfants nous saluent tout le long de la route avec le signe «V» pour victoire. Mais on ne voit pas de jeunes hommes aux alentours. On comprend vite pourquoi.

À l’autre coin de rue, on rencontre une patrouille des FDI cherchant les jeunes activistes qui viennent de défier l’armée en manifestant une heure avant. On voit deux soldats repousser une ambulance qui allait porter secours à un jeune palestinien abattu. En quelques secondes, on voit une foule de jeunes se dépêcher pour aller chercher leur camarade tombé. Notre choc se transforme en horreur quand des soldats lèvent leurs armes pour tirer sur les jeunes qui se sauvent.

Quand les soldats passent à côté de nous, on peut voir leur expression de frayeur. Et je me rappelle de ce que notre jeune ami Ziad m’a dit trois jours auparavant: «Les Israéliens ont plus peur de nous avec nos roches, que nous en avons peur avec leurs armes, leurs coups et leurs prisons».

Il fut bien plus facile pour nous d’entrer que de sortir de Balata où l’enfer est apparu moins d,une heure après notre arrivée. On a dû couper court à notre rencontre avec le dirigeant du camp quand une vague d’excitation s’est emparée de la foule de jeunes enfants autour de nous.

Aussitôt, les enfants se précipitent près d’un mur autour du camp et se mettent à lancer des pierres par-dessus. On voit alors l’objet de leur agitation - une patrouille des FDIqui s’amène vers le camp. Soudain, on entend des coups de feu éclater et on réalise que le camp est attaqué. Aucunement effrayés, les enfants ont intensifié leur volée de pierres.

Peu de temps après, nous étouffons, nos yeux et notre gorge brûlent. Les FDI ont lancé des gazs CS empoisonnés. Nous nous mettons à courir avec la foule pour nous cacher dans les maisons les plus proches. De jeunes hommes restent dans la route peincipale pour freiner l’avance de l’armée et nous permettre de nous abriter.

Du toit de notre cachette, on peut voir l’armée pénétrer dans le camp et nous découvrons le «télégraphe populaire» - la communication et la surveillance de l’armée à partir des toits.

Après avoir essayé en vain une première fois, nous pouvons finalement sortir du camp sains et saufs et monter en vitesse dans l’auto qui nous amène dans le calme relatif de Jérusalem.

Bien que pour nous l’expérience de Naplouse et de Balata est incroyable, il s’agit là de la vie quotidienne des Palestiniens.

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