jeudi 12 juin 2008

Article de JM, juin 2008


Quand le message passera-t-il enfin ?
La lutte étudiante continue malgré tout

Par le collectif de Jeunesse Militante, Montréal

Faisons un petit retour sur le mouvement étudiant au Québec. En mars 2007, le gouvernement Charest annonçait officiellement le dégel des frais de scolarité. L’augmentation que les étudiants et étudiantes du Québec subisse encore en ce moment est de 50$ par session durant cinq années, soit un total de 500$. Cela équivaut à une élévation du coût des études postsecondaires de 30%.

Très vite, nous nous souvenons que les différentes organisations étudiantes se sont prononcées contre le dégel des frais de scolarité, sans qu’un front commun se soit créé. Malheureusement, le plan d’action lancé par l’ASSÉ culminant par une grève générale illimitée ne passa pas dans les différents établissements scolaires. Pour certains, la cause de ce rejet était circonstancielle. Pour d’autres, la cause avait des racines plus profondes. Les luttes sociales n’ont plus la cote et notre société prend le virage néolibéral de son plein gré. Sans compter que le mouvement étudiant était dangereusement fractionné. Les Fédérations étudiantes, quant à elles, avaient plutôt opté pour quelques manifestations et des événements médiatiques.

D’autre part, en ce qui concerne l’ASSÉ, les revendications allaient bien au-delà du gel des frais de scolarité. On demandait la gratuité scolaire. On nous disait que ce n’était pas suffisant d’être sur la défensive, il fallait attaquer. C’est d’ailleurs sur cette question que les Fédérations et l’ASSÉ se sont divisées.

C’est pourquoi immédiatement après le refus de la grève générale illimitée par la masse étudiante, l’ASSÉ en lança un nouveau. Cette fois, c’était trois jours de grève qui étaient proposés et une manifestation nationale le 15 novembre.

Ce plan d’action fut adopté majoritairement dans les CEGEPs et les Universités. À l’UQAM, où le plan de redressement financier ajoutait à l’urgence de réagir, les associations facultaires avaient demandé à leurs membres plus qu’un mandat de grève de trois jours. Elles avaient obtenu une semaine dans certains cas, une grève illimitée pour d’autres.

Mais les différentes administrations des CEGEPs et Universités ne voyaient pas du même œil l’annonce de la ministre Courchesne. Elles étaient plutôt favorables à de telles mesures. Car actuellement, le système d’éducation québécois souffre d’un manque de financement de près de 400 millions de dollars par années pour les université et de 300 millions de dollars par année pour le réseau des CÉGEPs. Et ce n’est d’ailleurs pas les 500$ de plus par étudiants qui vient combler ce manque-à-gagner. On peut donc se poser la question d’où viendra la part qui manquera encore au financement global de l’éducation ?

Et pour ce qui est de la mobilisation en novembre, elle a fini par une brutale répression policière. Les événements du 13 novembre 2007 au collège du Vieux-Montréal et les différentes occupations avortées à l’UQAM sont les actions les plus connues de cette période mouvementée. La session suivante, une nouvelle vague de mobilisation avait été tentée, mais sans grand résultat.

Il n’y a aucun doute quand au fait que la gratuité scolaire est réalisable. Les recherches qui le prouvent sont nombreuses. Mais face au discours de la gratuité scolaire, les gens posent toujours la question suivante : Comment payer tout ça ? Irrémédiablement, on en arrive à parler des finances de l’État, de taxes aux entreprises, de la guerre en Afghanistan qui coûte si cher au Canada, d’impôts plus élevés, de choix sociaux, etc. C’est donc de dire que la gratuité scolaire va bien au delà de la sphère éducation.

Ce qui fait que le message passe mal dans ces temps ou l’idéologie de droite est appelée lucide. Et du même coup, la réalisation de la gratuité scolaire dépasse largement la responsabilité des étudiant-e-s. Ce projet devrait être celui de tous les regroupements syndicaux, des groupes politiques de gauche et de la classe ouvrière. À défaut d’avoir réussi à faire passer le message, l’ASSÉ commencera l’année scolaire 2008-2009 avec un plan axé contre la privatisation. Voici ce que nous pouvons lire dans le cahier de congrès concernant cette campagne :

« (...)Considérant que l'ingérence du privé a des impacts néfastes sur la vie quotidienne et les conditions matérielles de l'ensemble des étudiants et étudiantes;
(...)Considérant que la privatisation du système d'éducation est la conséquence ultime de son sous financement chronique;
Considérant que le fléau de la privatisation dépasse le simple cadre de l'éducation et s'étend à l'ensemble des services sociaux;
Que la prochaine campagne de l'ASSÉ ait pour thème « Stoppons la privatisation des services sociaux » avec 3 principales revendications :

1. Contre les intérêts et la logique du privé en éducation et dans les autres institutions publiques.
2. Pour un refinancement massif et public des institutions d’éducation post-secondaires
3. Pour la démocratisation des instances dans les institutions post-secondaires.

(..) Que l'ASSÉ travaille conjointement avec l'ensemble des mouvements sociaux afin de mener un front commun contre la privatisation des services sociaux. »

C’est encourageant. Cette campagne a l’avantage de pouvoir unir beaucoup d’organisations en commençant par les syndicats ouvriers qui par exemple, luttent en ce moment contre la privatisation du système de santé. Est-ce que l’ASSÉ aurait compris le message en regard de l’échec de l’année dernière avec l’augmentation des frais de scolarité, et du même coup, avec la gratuité scolaire ?

Car en effet, refuser de faire le front commun avec les fédérations étudiantes en mars 2007 est ce qui a causé la défaite que nous connaissons. On sait que l’ASSÉ avait choisi de refuser cette union pour faire une campagne sur sa revendication première, l’école gratuite. Pourtant, la chose que le gouvernement Charest craint le plus, c’est bien un front commun. Et si cette fois un front étudiant-e-s et ouvrier-ère-s se forme, c’est une bombe lancée contre l’idéologie de droite. Mais avant de rêver à mai 68 ou c’est l’union des ouvrier-ère-s et des étudiant-e-s qui avait permis de faire un bond en avant, c’est quand même l’ASSÉ qui lance cette idée. Et n’ayant pas réussi à faire l’unité dans ses propres rangs, on peut douter de ses capacités. Sans compter qu’il n’est pas dit que les syndicats répondront adéquatement. Le vent de droite affecte aussi leurs membres et ils ont beaucoup de difficulté à se mobiliser, en particulier sur des enjeux plus globaux. Les luttes sociales sont toutes reliées. Mais chaque petit groupe, chaque syndicat, s’occupe seulement de ses problèmes locaux. C’est d’une lutte politique générale dont nous avons besoin, autant pour la communauté étudiante que pour la classe ouvrière.

L’ASSÉ a quand même pris la bonne direction. Et pour ce qui est des Fédérations, elles n’aideront peut-être pas à partir le mouvement, mais si quelque chose se crée, nous pouvons penser qu’elles seront de la partie. Représentant plus de 210 000 étudiant-e-s, c’est quand même une force considérable.

Photographie : Jeunesse Militante / une étudiante manifeste pour la gratuité scolaire

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