lundi 30 mai 2011

DES CONGRÈS SYNDICAUX POUR RÉSISTER AU VENT DE DROITE

Par Robert Luxley


À son congrès tenu la deuxième semaine de mai, le Congrès du Travail du Canada, auquel est affiliée la FTQ, a adopté un plan de travail et de mobilisation de son membership et de la société civile pour vaincre le programme de la droite au Canada. Le CTC considère que l’élection d’un gouvernement conservateur d’ultra-droite majoritaire le 2 mai dernier constitue une grave menace pour les services publics, notamment dans la santé et les services sociaux, pour les régimes de pension tant publics que privées du Canada, ainsi que pour la paix dans les relations internationales.

Le Congrès du travail du Canada (CTC) et son Comité national de campagne (CNC) travaillera donc en collaboration avec ses organisations affiliées, à travers les fédérations du travail et les conseils du travail, à créer une dynamique en mobilisant ses membres et ses alliés dans les communautés, par l'éducation, dans des manifestations publiques et dans l'action directe le cas échéant, à l'encontre du programme de la droite.

Il souhaite construire une opposition efficace et large au programme de la droite. À son 27e Congrès, prévue en 2014, il sera présenté un plan politique pour défaire le gouvernement conservateur et élire un gouvernement fédéral du NPD.

Le CTC prévoit créer une forte opposition de principe à la fois au sein du mouvement syndical et de ses alliés en coalition, et qui pourra anticiper et contrecarrer les initiatives législatives du gouvernement avec une série d'actions ciblées et spécifiques. Il travaillera aussi à développer une stratégie parlementaire pour le lobbying et le travail en comité parlementaire.

Le CTC entend travailler avec ses affiliés à engager des ressources pour coordonner des campagnes politiques en appui direct ou indirect à des partis progressistes et à leurs candidats dans les élections provinciales et municipales au cours des trois prochaines années. Il entend utiliser ces élections comme un moyen de tester et d’adapter ses stratégies en vue de la prochaine élection fédérale prévue le 19 octobre 2015.

Le CTC veut aussi avec ses affiliés construire un mouvement ouvrier fort et progressiste pour lutter contre le programme de droite que les compagnies et la haute finance veulent imposer au pays. Il s'agira notamment de se livrer à des campagnes de mobilisation des membres, de sensibilisation du public et d’actions directes, basées sur des questions touchant spécifiquement les affiliés ainsi que sur les grandes questions politiques du jour afin de gagner le soutien de la population travailleuse.

Le CTC veut renforcer les coalitions et travailler à renforcer les relations avec les partenaires de la société civile afin d'élargir la base de son travail de campagne. Il essaiera de trouver des façons d'aider la société civile et ses partenaires de coalition pour améliorer leur capacité et les ressources, et associer leurs travaux aux activités des conseils du travail dans les collectivités.

La semaine suivante, du 15 au 20 mai, le congrès de la CSN qui se tenait à Montréal, adoptait lui aussi une série de propositions visant à lutter contre le programme de la droite, de réduire les inégalités et en faveur d’un développement économique durable. Le congrès était aussi amené à réfléchir sur l’action syndicale alors que les syndicats sont l’objet de furieuses attaques de la part de la droite par les temps qui courent.

Le congrès avait débuté alors que l’ADQ se réunissait pour adopter des mesures d’extrême- droite contre les syndiqués dans l’éventualité où il prendrait le pouvoir, notamment visant à interdire à leurs syndicats de se préoccuper de questions politiques et limiter leur action strictement aux relations de travail.

L’un des moments forts du congrès fut lorsque Madame Stephanie Bloomingdale, secrétaire-trésorière de l’AFL-CIO du Wisconsin prit la parole. Elle livra un vibrant témoignage de la lutte contre la loi adoptée par le gouverneur républicain de cet État, Scott Walker, lequel est lié au mouvement d’extrême-droite Tea Party, et qui interdit dorénavant aux travailleuses et aux travailleurs du secteur public de l’État de négocier collectivement leurs conditions de travail et leurs avantages sociaux.

Loin de se laisser intimider par les menaces anti-ouvrières de Gérard Deltell de l’ADQ, le congrès a adopté les propositions suivantes :

A. Que la CSN propose aux autres organisations syndicales québécoises et canadiennes ainsi qu’aux groupes de défense des non-syndiqué-es une offensive concertée pour promouvoir le travail décent, la pertinence du syndicalisme et le droit à la syndicalisation au Québec et au Canada, notamment pour les travailleuses et les travailleurs les plus vulnérables et les moins organisés.

B. Que la CSN organise un événement sur le syndicalisme, ses défis et les enjeux de son renouvellement notamment la relève syndicale représentative de ses membres et, si possible, qu’elle le fasse en collaboration avec ses partenaires syndicaux québécois en impliquant particulièrement les jeunes.

C. Que la CSN fasse la promotion d’une journée annuelle de la militance syndicale et que cette journée soit, entre autres, l’occasion de faire connaître à la population le rôle et les responsabilités des militantes et militants syndicaux et de valoriser les gains et les retombées de l’action syndicale en rappelant, par exemple, les luttes qui ont mené à l’édification de notre filet de sécurité sociale.

D. Que la CSN ouvre un chantier de réflexion sur la répartition de la richesse dans le monde du travail et développe des stratégies syndicales de négociation pour améliorer les conditions salariales des travailleuses et des travailleurs.

E. Que la CSN actualise son programme et ses outils de formation à l’intention des militantes et des militants de ses organisations affiliées afin de s’assurer que l’ensemble des contenus réponde aux besoins et à la conjoncture politique en introduisant un volet sociopolitique à tous les parcours actuels et futurs. De plus, que cette actualisation favorise l’utilisation de l’approche intégrée de l’égalité (AIE) et que l’utilisation des nouvelles technologies et des médias sociaux soit considérée.

F. Que la CSN poursuive son action politique pour une plus grande justice sociale et utilise toutes les tribunes et les moyens à sa disposition.

Pour finir le congrès a adopté la nouvelle proposition suivante :

Que la CSN développe un plan de mobilisation et d’action incluant la possibilité de tenir une grève générale et sociale avec nos alliés et visant à protester contre les mesures rétrogrades gouvernementales (incluses dans les derniers budgets de mars 2010 et mars 2011) adoptées à l’Assemblée nationale.

Aussitôt qu’elle fut lue au micro par son proposeur, presque tous les délégués-es se sont levés pour applaudir. La proposition a reçue l’appui de membres de l’exécutif de la centrale ainsi que de dirigeants de conseil centraux et de fédérations et fut adoptée presqu’à l’unanimité.

La droite n’a qu’à bien se tenir, le mouvement ouvrier ne se laissera pas faire.

vendredi 27 mai 2011

Article de l'Aut'journal

Montréal : l’équité salariale passe après le BIXI
27 mai 2011
Maude Messier

Si l’administration Tremblay n’hésite pas à remuer ciel et terre pour le plan de sauvetage de 37 millions $ de BIXI, procéder aux correctifs salariaux en vertu de l’équité salariale et verser leur dû aux quelque 4 500 cols blancs concernés est une toute autre histoire.

Visiblement irritée par l’attitude de la Ville de Montréal, la présidente du Syndicat des fonctionnaires municipaux (SFMM-SCFP), Monique Côté, sort littéralement de ses gonds quand on lui demande de commenter les déclarations du maire Tremblay qui se targuait, plus tôt cette semaine, de favoriser l’embauche de femmes dans la fonction municipale montréalaise.

« Le maire confond deux choses. Le programme d’égalité en emploi en est une, mais payer les femmes de façon équitable pour les emplois qu’elles occupent, c’en est une autre! »

Le syndicat des cols blancs dénonce le fait que la Ville de Montréal tente de se prévaloir d’avantages particuliers sur le dos des femmes, les privant de leur dû et de leurs droits, en s’obstinant à ne pas procéder aux correctifs salariaux tel que le prévoit la Loi sur l’équité salariale.

« L’équité salariale est une loi à laquelle l’employeur doit se conformer. Point à la ligne, martèle Mme Côté en entrevue à l’aut’journal. On est d’autant plus surpris de cette décision unilatérale qu’on croyait que c’était un dossier réglé. »

Elle rappelle que l’exercice d’équité salariale à la Ville de Montréal, le plus imposant de tout le Québec, s’est conclu par un règlement final entre les parties le 23 décembre 2010, à la suite d’un « blitz intense de travaux ».

La Ville de Montréal soutient que le litige qui l’oppose au syndicat concerne les modalités de paiement des ajustements salariaux et que cela ne remet aucune en question sa volonté d’appliquer la Loi sur l’équité salariale.

« En mars dernier, la Ville a indiqué comment elle comptait payer les ajustements. Elle nous a soumis deux scénarios possibles. Aucun des deux n’est conforme à la Loi, aucun n’est acceptable », réplique Mme Côté.

D’après le SFMM, le premier scénario stipule que, pour toutes les catégories d’emploi faisant l’objet de correctifs salariaux, les employés embauchés avant le 1er janvier 2006 recevraient les montants prévus au règlement.

Par contre, tous ceux et celles embauchés après cette date seraient rémunérés selon l’ancien taux, soit celui en vigueur avant les ajustements. Aucun ajustement salarial ne leur serait versé tant qu’ils n’auraient pas atteint le dernier échelon de l’échelle salariale, ce qui prend en moyenne cinq ans selon Mme Côté. À noter qu’aucune rétroaction ne serait versée pour les cinq années de salaires perdues.

« La Ville parle d’une espérance de gains pour ces travailleuses. Nous disons plutôt qu’elle tente de négocier l’équité salariale à rabais, ce qui est évidemment contraire à la Loi. »

Mme Côté ajoute que cette proposition s’apparente dangereusement à une clause de disparité de traitement qui créerait deux catégories d’employés au sein des cols blancs alors que l’objectif de la Loi sur l’équité salariale, « c’est justement l’équité salariale! »

Guère plus réjouissant, le deuxième scénario envisagé par la Ville ne propose aucun ajustement au minimum de l’échelle salariale, 30% pour les trois échelons suivants et 10% au maximum de l’échelle. Il faudrait donc compter encore cinq années pour obtenir les pleins correctifs salariaux prévus par le règlement d’équité salariale.

Autrement dit, les employés des catégories d’emploi visées ne verront jamais la couleur des sommes entières qui leur sont pourtant dues puisque les ajustements partiels étalés sur cinq ans sont en réalité des années de salaires perdues.

« La Ville cherche à sauver de l’argent en pénalisant les femmes. On ne veut pas jouer à ça, c’est inacceptable. La Loi existe depuis 1996, il y a eu une prolongation de quatre ans pour les villes et elle est même censée être rétroactive depuis 2001. Ça va faire là! »

Monique Côté estime que l’administration Tremblay fait de la diversion autour de ce dossier. « Ils envoient une balle en l’air, ils s’essaient pour sauver des coûts. C’est indécent. On n’a jamais vu un employeur agir ainsi. »

Le syndicat a déposé une plainte en mai à la Commission de l’équité salariale (CÉS) et le comité conjoint a également déposé un différent. La Ville a déjà signalé qu’elle entendait se conformer à la décision de la CÉS. Les parties devraient être convoquées sous peu.

Du côté du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), on souligne avoir conclu plus de 300 règlements en matière d’équité salariale. « Tous les employeurs, que ce soit le gouvernement du Québec, Hydro-Québec, les villes de Longueuil, Laval, Québec, etc., aucun n’a agi comme le fait actuellement la Ville de Montréal. Tous, sans exception, ont procédé aux ajustements salariaux dans le respect de la loi », explique Lise Simard, conseillère au SCFP et responsable de ce dossier.

mardi 10 mai 2011

L’Assemblée nationale du Québec ne doit pas cautionner l’assassinat de Ben Laden

Communiqué du Collectif Échec à la Guerre

Montréal, le 10 mai 2011. Le Collectif Échec à la guerre considère que l’Assemblée nationale du Québec devrait s’abstenir de cautionner l’assassinat extra-judiciaire d’Oussama Ben Laden de quelque façon que ce soit. La motion présentée par Gérard Deltell de l’ADQ ainsi que la reformulation sur un ton « plus sobre », souhaitée par le PQ, cautionneraient une opération contraire au droit international.


Un ennemi des États-Unis a été abattu, en dehors de tout cadre judiciaire, confirmant ainsi la tendance à l’érosion de l’état de droit et à l’érosion du droit international associées à la guerre « contre le terrorisme ». On a ainsi assisté à des détentions indéfinies sans procès, au recours à la torture, à la multiplication des assassinats ciblés menés par des « forces spéciales » ou des drones en violation de la souveraineté des États, au détournement de l’ONU pour avaliser les actions des pays envahisseurs en Irak et en Afghanistan, etc. L’adoption de la résolution 1973 du Conseil de sécurité autorisant les pays qui le veulent à utiliser « tous les moyens nécessaires » soi-disant pour protéger les civils en Libye est un autre exemple de ce détournement, cette résolution menant immédiatement l’OTAN à appuyer l’un des deux camps dans une guerre civile et à tenter d’assassiner le chef d’État libyen.


Depuis 2001, le discours officiel de la guerre « contre le terrorisme » sert de paravent pour justifier les avancées militaires au Moyen-Orient et en Asie centrale de l’empire étasunien et de ses proches alliés. Il est aussi invoqué par des régimes dictatoriaux à l’encontre des velléités démocratiques de leurs populations. Or, dans sa résolution, l’ADQ présente la mort de Ben Laden comme une avancée qui doit encourager l’OTAN à poursuivre sa guerre d’occupation en Afghanistan. À l’évidence, vu son rôle de représentativité, l’Assemblée nationale du Québec devrait s’abstenir de tout appui à une guerre que la grande majorité de la population québécoise désapprouve de façon non équivoque.


Contrairement à la député péquiste Louise Beaudoin, nous n’approuvons pas non plus le ton du président Obama sur la question, qui est loin de la sobriété : discours à la nation, visite à Ground Zero, et même, une rencontre avec le commando qui a abattu Ben Laden. Mais c’est davantage sur le fond de la question que nous divergeons. Contrairement au président Obama, nous ne pensons pas que « justice a été faite ». La justice aurait exigé de véritables efforts pour capturer Ben Laden vivant et lui intenter un procès public observant toutes les règles du droit. Un procès qui aurait pu se révéler embarrassant... L’assassinat sélectif nous ramène au contraire au « Far West » où chacun, à son gré, se « fait justice ».


Si l’Assemblée nationale du Québec veut réfléchir sur des enjeux qui ne relèvent pas immédiatement de sa juridiction mais qui nous concernent toutes et tous, elle devrait s’interroger sur cette dérive inquiétante.

mercredi 4 mai 2011

manifestation anti-Harper


Steeve Duguay
JENNIFER GUTHRIE

Moins de 48 heures après l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire, une poignée de personnes ont participé mardi soir à une deuxième manifestation en réaction à la montée de la droite au pays, à la place Émilie-Gamelin.

Ils y avaient été invités par un étudiant du cégep Bois-de-Boulogne, Keena Grégoire. Atterré par le résultat du scrutin, ce dernier avait lancé un appel à la manifestation sur Facebook lundi soir. Rapidement, quelque 150 personnes s'étaient alors retrouvées à la place Émilie-Gamelin et avaient sillonné les rues du Quartier latin pour exprimer leur déception face à la poussée conservatrice au Canada.

«Tout au long de la marche [de lundi], des gens qui sortaient des bars ou qui écoutaient les résultats des élections se sont joints à nous, a indiqué M. Grégoire à Métro. Au final, nous étions de 300 à 400 personnes à manifester. Par la suite, les gens nous ont demandé une autre manifestation.»

Le rassemblement de mardi n’a toutefois pas eu la même ampleur que celui de lundi. Pour le moment, une troisième manifestation n’est pas prévue. Keena Grégoire entend cependant maintenir la pression et encourager les gens à s’impliquer.

«C’est important que la population se rassemble et prenne conscience de son pouvoir de changement, de son pouvoir d’action par rapport aux résultats des élections et aux mesures qui seront mises en place par le gouvernement de Stephen Harper, a expliqué M. Grégoire. Il faut montrer collectivement que nous ne voulons pas subir les décisions des conservateurs, que nous pouvons aussi agir pour contester ce qui arrivera dans les années à venir.»

«La démocratie, ce n’est pas d’aller voter aux quatre ans et de rester chez soi par la suite, a-t-il affirmé. Il faut agir collectivement et constamment. Si on ne s’occupe pas de la politique, c’est elle qui va s’occuper de nous.»

Deuxième manifestation anti-Harper ce soir

Moins de 48 heures après l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire, des étudiants organisent ce soir, à compter de 18 h, une deuxième manifestation en réaction à la montée de la droite au pays.

Atterré par le résultat du scrutin, un étudiant du cégep Bois-de-Boulogne, Keena Grégoire, a lancé un appel à la manifestation sur Facebook, lundi soir. Rapidement, quelque 150 personnes se sont retrouvées à la place Émilie-Gamelin et ont sillonné les rues du quartier pour exprimer leur déception face à la poussée conservatrice au Canada.

«Tout au long de la marche, des gens qui sortaient des bars ou qui écoutaient les résultats des élections se sont joints à nous, a indiqué à Métro M. Grégoire. Au final, nous étions entre 300 et 400 personnes à manifester. Par la suite, les gens nous ont demandé une autre manifestation.»

Keena Grégoire espère que plusieurs centaines, voire un millier, de personnes se joindront à lui et à ses amis ce soir.

«C’est important que la population se rassemble et prenne conscience de son pouvoir de changement, de son pouvoir d’action par rapport aux résultats des élections et aux mesures qui seront mises en place par le gouvernement de Stephen Harper, a expliqué Keena Grégoire. Il faut montrer collectivement que nous n’aurons pas à subir les décisions des conservateurs, que nous pouvons agir pour contester ce qui arrivera dans les années à venir.»

Pour le moment, une troisième manifestation n’est pas prévue. M. Grégoire entend cependant maintenir la pression et encourager les gens à s’impliquer.

«La démocratie, ce n’est pas d’aller voter aux quatre ans et de rester chez soi par la suite, a-t-il affirmé. Il faut agir collectivement et constamment. Si on ne s’occupe pas de la politique, c’est elle qui va s’occuper de nous.»

La manifestation débute ce soir, à 18 h à la place Émilie-Gamelin (métro Berri-UQAM).

mardi 3 mai 2011

Élections Canada 2011 - Les Conservateurs ont verrouillé les portes de l’accès à l’égalité Voterez-vous pour des misogynes ?

par Micheline Carrier

Des analystes estiment que le Parti conservateur du Canada pourrait obtenir la majorité des sièges à la Chambre des Communes au scrutin du 2 mai prochain. Pour les femmes, soit la moitié de l’électorat, c’est le pire scénario possible. Minoritaire, le gouvernement conservateur n’a cessé de démontrer son hostilité pour ce qui a trait à l’égalité des femmes. Majoritaire, il aurait alors le champ libre pour terminer son œuvre de démolition et anéantir des décennies de luttes féministes.

Au cours de cette campagne électorale, je n’ai pas vu de grand déploiement pour séduire l’électorat féminin. Aucun parti ne s’est donné la peine même de feindre un réel intérêt à l’égard de l’amélioration des conditions de vie des femmes. Certains programmes politiques comportent bien un chapitre écrit sur la condition féminine, mais la majorité des candidat-es l’ont gardé presque confidentiel, n’y faisant allusion que du bout des lèvres. Prononcer le mot femmes ici et là dans des discours publics ne fait pas foi d’un engagement. La majorité des candidat-es et des chefs de partis ont placé la question des femmes, quand ils en ont parlé, dans le cadre de la famille. Les débats télévisés ont passé outre le véritable saccage par les Conservateurs des programmes d’aide à la promotion des femmes. Cette indifférence dénote que les partis ne croient pas indispensable l’appui des femmes au scrutin du 2 mai. Par contre, ils ont courtisé activement les communautés culturelles dont ils reconnaissent avoir besoin.

L’impasse sur un travail de sape

Si les partis d’opposition avaient voulu embarrasser les Conservateurs en matière de condition féminine, ils auraient eu le choix des exemples. Mais ils s’exposaient, ce faisant, à ce qu’on leur rappelle que les Conservateurs, minoritaires, ont pu faire adopter leurs politiques « idéologiques » en éliminant plusieurs mesures et programmes destinés à la promotion des femmes seulement parce qu’ils ont obtenu l’appui de député-es de l’opposition. Le gouvernement conservateur a entrepris de museler les groupes de femmes en subordonnant l’octroi de subventions à l’obligation de les utiliser uniquement pour des services directs, non plus pour de l’éducation, de la formation, de l’action politique, des activités de sensibilisation, la promotion des droits, activités inutiles aux yeux du gouvernement conservateur. Des groupes oeuvrant depuis des décennies pour les droits des femmes ont dû fermer leurs portes. Par contre, des groupes sans aucune connaissance de la condition féminine, par exemple des organisations à vocation religieuse ou commerciale, peuvent obtenir des subventions pour dispenser des services aux femmes... À même les fonds publics, les Conservateurs s’assurent donc de satisfaire leurs amis, tout en contrôlant les associations qui heurtent leurs valeurs, notamment celles qui militent en faveur de l’accès à l’avortement.

Le gouvernement Harper a réduit de 43% le budget de fonctionnement de Condition féminine Canada et fermé 12 de ses 16 bureaux régionaux. Il a annulé le Programme national d’investissement dans les services de garde. Il a nié le droit des femmes à l’équité salariale dans la Fonction publique en adoptant la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public qui oblige les femmes à présenter leurs plaintes seules, sans le soutien de leurs syndicats. Cette loi impose même une amende de 50 000 $ aux syndicats qui encouragent ou aident leurs membres à déposer une plainte en matière d’équité salariale.

Pour s’assurer que les individus et les groupes peu fortunés ne puissent se défendre efficacement, le gouvernement Harper a verrouillé d’autres portes d’accès à l’égalité. Il a aboli en 2006 le Programme de contestation judiciaire, qui accordait une assistance financière aux personnes ou aux groupes qui voulaient défendre leur droit à l’égalité devant les tribunaux. Du gaspillage, a dit Stephen Harper, comme est du gaspillage à ses yeux le registre des armes à feu. Gaspillage, dites-vous ? Combien les contribuables canadiens ont-ils dépensé, par la volonté de Stephen Harper, pour les trois jours du sommet du G8 et du G20 en Ontario, en juin 2010 ? À combien de milliards en est le Canada dans son engagement en Afghanistan ? Où a-t-il trouvé l’argent pour réduire du tiers les impôts des grandes entreprises ? Sans compter les milliards pour l’achat d’avions militaires et les fonds quasi-illimités destinés à l’armée.

L’avortement, le front le plus vulnérable

Si le parti conservateur est réélu avec une majorité de sièges, lundi prochain, le danger le plus grand pour les femmes canadiennes se fera sentir sur le front de la santé maternelle et du droit à l’avortement, selon la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada. Depuis quatre ans, des députés conservateurs liés à des groupes anti-choix ont présenté plusieurs projets de loi visant à criminaliser à nouveau l’avortement et à en limiter l’accès. Ils ont obtenu l’appui d’une vingtaine de député-es libéraux, un appui dont ils n’auront pas besoin si leur parti est majoritaire le 2 mai. (Voir la liste* des député-es antichoix). L’organisme Match International, qui s’occupe de la formation des femmes dans les pays en voie de développement, a perdu une subvention de 400 000 $ le jour même où il a critiqué la politique du gouvernement Harper en matière de santé maternelle. Des exemples de ce genre se sont ajoutés depuis et risquent de se multiplier, car le programme d’aide à la santé maternelle administré par le Canada exclut les organismes qui offrent des services d’avortement ou font la promotion de l’avortement sécuritaire et gratuit.

Je n’ai pas le moindre doute qu’un gouvernement conservateur majoritaire puisse prendre tous les moyens, y compris modifier les lois en profondeur, afin d’expédier en prison d’autres Morgentaler, des femmes qui ont avorté et même des hommes qui seraient soupçonnés d’avoir encouragé ou contraint leur conjointe à avorter. Les femmes qui ont l’âge de se souvenir des premières et difficiles luttes pour l’accès à l’avortement libre, gratuit et pratiqué dans des conditions sûres ne peuvent qu’éprouver une vive inquiétude à l’idée que l’énergie, le temps et les souffrances passés soient anéantis d’un coup par des individus bornés qui, sous l’emprise d’influences religieuses, cherchent à imposer leurs valeurs à l’ensemble de la société. Par ailleurs, ces chevaliers de la vie à tout prix rêvent de rétablir la peine de mort et sont prêts à juger des adolescent-es selon des critères d’adultes.

Ce n’est pas un homme de cœur et d’équité que nous avons pour premier ministre, c’est un homme qui se conduit comme un général que le goût immodéré du contrôle pousse à mettre tout le monde au pas.

Au chapitre de la justice et des droits civils, le parti conservateur de Stephen Harper est le plus dangereux que le Canada ait connu. Il ne respecte pas les règles parlementaires et démocratiques, il prend des libertés avec les jugements de cour, il modifie les lois selon les influences idéologiques qu’il subies. Alors, les droits de la personne ne sauraient peser lourd pour ce parti. C’est un secret de polichinelle que plusieurs députés conservateurs et leurs suppôts religieux souhaitent modifier les lois contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et sur le sexe. Ils feront tout pour annuler la loi sur le mariage entre personnes du même sexe et pour lancer une chasse aux sorcières ces personnes. Ils ont déjà coupé les subventions à des groupes d’aide aux gais et aux lesbiennes.

La clé économique

L’autonomie économique des femmes est un autre domaine menacé par un gouvernement conservateur, qu’il soit minoritaire ou majoritaire. Une sécurité financière minimale est une clé de l’autonomie personnelle et, souvent, une condition sine qua non pour se soustraire à la violence en milieu familial, un autre domaine dans lequel le Canada affiche un bilan lamentable. Refus de l’équité salariale dans les services publics, mesures décourageant l’autonomie financière et la présence des femmes sur le marché du travail, par exemple la promesse de fractionner le revenu familial ainsi que l’absence d’un réseau national de services de garde, pauvreté accrue chez les femmes en général et particulièrement quand elles vieillissent, abandon des femmes autochtones pauvres et victimes de la violence, discrimination dans le régime d’assurance-emploi auxquelles toutes les travailleuses contribuent mais dont une minorité seulement tirent avantage en période de chômage, régimes de retraite inadaptés aux besoins, ce ne sont là que quelques exemples de la fragilité de la situation économique des femmes qui pourrait empirer si le gouvernement conservateur obtenait une majorité.

Allons-nous vraiment voter pour cela ?

Il me semble judicieux de suivre le conseil des promoteurs du « vote stratégique » : voter pour qui on veut, sauf un candidat conservateur. Dans chaque circonscription, voter pour le candidat ou la candidate valable qui a le plus de chances de battre un-e candidat-e du Parti conservateur. Ce serait une nuisance de moins à la Chambre des Communes.

* Liste des députés conservateurs et libéraux anti-choix.

Je vous invite à consulter l’ensemble du dossier sur les élections fédérales vues par des femmes dont les articles de sources diverses ont alimenté cette synthèse. Rubrique : Élections Canada 2011

- "Ne faites pas de la politique partisane avec la vie des femmes"

Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 avril 2011


- Lire l’article de Marie-Andrée Chouinard, "Mesdames, votre vote !", dans Le Devoir, le 28 avril 2011.

© Sisyphe 2002-2011 : http://sisyphe.org/spip.php?article3862

LA LJCQ APPEL À UNE ACTION URGENT DEMAIN À 18H

Demain le 4 mai, nous nous mobilisons pour une manifestation urgente contre l'élection du gouvernement conservateur majoritaire alors que 60% de la population n'a pas voté pour lui.
Une manifestation pour les droits des femmes, pour la paix, la solidarité et la justice sociale!

Hier durant la nuit, une manifestation fut appelé et fut un franc succès avec près de 400 personnes dans les rue à 1h00 du matin, et ce en à peine deux heures d'avis! Il est essentiel de maintenir la pression et de démontrer notre vive opposition et notre colère face aux résultats que nous connaissons.

Rendez-vous demain au Parc Émilie-Gamelin à 18h00!

À faire circuler svp