vendredi 18 avril 2014

Au Québec soi-disant pauvre, les boss se paient la traite

Un article de Léo-Paul Lauzon dans le Journal de Montréal
Pour lire l'article original : cliquez ici

Proscrire les «folleries» du type qu’il faut redistribuer

Même si «l’écart de richesse atteint un sommet au Québec» (21 septembre 2012) et que «les super riches québécois s’enrichissent plus vite que leurs homologues canadiens» (Journal de Montréal, 22 novembre 2013), faut surtout pas parler de redistribution de la richesse car, selon les prétentions de la merveilleuse classe dominante, le Québec est pauvre, et même très pauvre.

Par conséquence, avant de penser à répartir équitablement la richesse, il faut, dans un premier temps, la créer qu’ils nous disent sans même se garder une petite gêne. Par mesure de solidarité et d’équité intergénérationnelle (Stéphanie Garammond, La Presse, 25 janvier 2014), les travailleurs ordinaires doivent donc se contenter et accepter des baisses de salaires réelles (compte tenu de l’inflation, des taxes et des tarifs) et même se désyndicaliser afin de faire place à la sous-traitance, qui rime avec salaire minimum et avec précarité de l’emploi. La souplesse du marché du travail résultant de moins d’irritants et de rigidités permettra aux créateurs de richesse de générer plus de croissance économique. Ça c’est l’évangile économique à géométrie variable des possédants et de leurs petits caniches.

Même Brian Myles du Devoir s’y met

Dans le Devoir du 21 mars 2014, le journaliste Brian Myles a écrit cette énormité : «La redistribution de la richesse crée de la richesse, a expliqué Françoise David dans une incantation magique. Il faudra soumettre l’hypothèse à un panel d’experts en leur demandant pour commencer : on la prend où, la richesse?». Monsieur Myles, aviez-vous en tête un panel d’experts composé d’économistes de banque et d’universitaires affranchis, les mêmes retenus tout le temps par Jean Charest, par exemple? Qu’entendez-vous par experts, cher Brian?

C’est carrément affligeant et déprimant de voir un journaliste professionnel se permettre un jugement aussi primaire. Comment un journaliste peut-il se permettre d’ironiser de façon très condescendante sur des propos justes de la chef de Québec Solidaire, madame Françoise David? Monsieur Myles, je rédige un peu beaucoup cet article pour vous afin d’élargir un tant soit peu vos connaissances économiques.

Le salaire de quelques boss québécois

Dans ma brève revue de presse, j’ai ressorti la rémunération annuelle récente de certains dirigeants d’entreprises québécoises qui, souvent, se font payer en options d’achat d’actions afin de profiter d’un taux d’impôt effectif deux fois moins élevé que leurs employés. Et ce sont les mêmes tribuns qui osent proclamer qu’il faut créer la richesse avant de la distribuer. C’est leur politique habituelle du deux poids, deux mesures : une pour l’élite et l’autre pour le peuple soumis et intoxiqué.

Commençons par Monique Leroux de Desjardins

En 2013, madame Leroux a eu droit à des émoluments de 3,6 millions comparativement à 3,3 millions en 2012. Ces montants incluent ses bonus bien mérités et son régime de retraite (29 mars 2014). C’est la même Monique qui a dit en 2008, après la fin de la crise financière : «Des gens devront revoir leur projet de retraite» (Journal de Montréal, 3 octobre 2008). Ça veut dire, en clair, retarder l’âge de sa retraite à beaucoup plus tard et se contenter de beaucoup moins. Avec de tels salaires, Monique Leroux va aussi revoir son projet de retraite, mais à la hausse. C’est ça la notion de solidarité des patrons. Tous doivent faire leur part. Certains en recevant plus et d’autres moins. Est-ce qu’il y en a encore qui pensent vraiment que Desjardins est encore une coopérative?

Bombardier, Uni-Sélect, Power et Transcontinental

Prenons le cas de Bombardier, cette entreprise qui reçoit chaque année plusieurs millions de subventions gouvernementales sans aucun résultat probant, ce qui ne l’empêche pas de gâter ses dirigeants : «Près de 23 millions US pour les patrons de Bombardier» (28 mars 2014). Une petite hausse salariale annuelle de 29%. Est-ce qu’il y a beaucoup de travailleurs syndiqués qui ont reçu une telle hausse salariale en 2013?

Au pays de la province pauvre, il y a aussi l’entreprise québécoise Uni-Sélect qui s’est montrée reconnaissante envers ses patrons en leur accordant une hausse, somme toute minime, de 75% en 2013 : «Forte hausse de la rémunération des dirigeants» (18 mars 2014). Puis, «33 millions pour les dirigeants de Power» (11 mars 2013). Et aussi : «Transcontinental. La rémunération du président bondit de 33% à 4,5 millions» (30 janvier 2014).

Transat, CGI, Yellow Media, Bell et Air Canada

Et ça continue : «Transat. La rémunération du PDG bondit de 50% à 3 millions» (25 janvier 2014). Vous dites toujours que le Québec est pauvre? Et aussi : «Les patrons passent à la caisse. La rémunération des quatre plus hauts dirigeants de CGI a fait un bond de 66% en 2013 à 24,3 millions» (24 décembre 2013). Et maintenant chez Yellow Media : «Marc Tellier tient à son indemnité de départ de 4,3 millions» (8 mars 2013) et aussi à sa pension de 450 000$ l’an. Pour les supérieurs, il n’y a aucun problème de financement de leurs caisses de retraite, seulement pour leurs employés à qui on demande des sacrifices afin d’aider la compagnie à payer convenablement la caste supérieure.
Ah ben chez Bell : «La rémunération du président George Cope est passée de 4,27 à 9,62 millions en un an» (31 mars 2012). Une légère augmentation de 125%. Y’a rien là!

Faut surtout pas être ingrats et oubliez les grands manitous d’Air Canada : «Gros gain pour les patrons» (8 mai 2012). Ceux-là même qui rationalisent tout le temps, comme chez Aveos et Air Canada.

Et que dites-vous des émoluments versés par Bell à Michael Sabia en 2009, celui qui a été nommé par Jean Charest à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec : «BCE a versé 21 millions à Sabia en 2008» (2 avril 2009). Il y a aussi Robert Milton d’Air Canada qui a touché 52 millions entre 2006 et 2011 (23 mars 2012). Vous persistez toujours a prétendre que le Québec est pauvre? Mais, pour qui au juste? Faut continuer à se parler de redistribution de la richesse.

Au tour de nos banques maintenant

Tiens, tiens, que lis-je : «Le gros lot pour les banquiers québécois» (7 mars 2014). Et évidemment le prix de consolation pour leurs employés. Comptez-vous chanceux d’avoir une job. Ah ben là vous m’en direz tant : «Banques. 209 millions en 2013 pour les patrons» (19 mars 2014). Les mêmes banques d’ici qui continuent comme toujours à licencier afin d’être plus efficientes et plus agiles. Ma meilleure est pour la fin. C’est celle qui vient me chercher au plus profond de moi-même : «Un salaire de 11,2 millions pour l’ancien patron de la Scotia, Rick Waugh» (7 mars 2014). Un salaire de 11,2 millions en 2013 et une pension de retraite à vie de 2 millions l’an. Bonne retraite Rick!

Ces gros bidous versés à des cadres d’entreprises québécoises vont certainement aider à créer de la richesse plus tard afin qu’encore plus tard on la redistribue équitablement aux générations futures. Faut juste être patient, compréhensif et se résigner à son sort sans rechigner. Pendant ce temps au Québec : «Un retraité sur deux vit sous le seul de la pauvreté» (28 avril 2012) et : «La déprime de la classe moyenne… une nouvelle classe de travailleurs pauvres se profile au Québec» (11 janvier 2014). Il ne peut en être autrement, le Québec est pauvre qu’ils nous disent. Répétez après moi : le Québec est pauvre. Devant tant d’iniquités, à quand le soulèvement des travailleurs ordinaires et de la population?

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